Anatomie d’une chute : subtil film féministe
- francoishada
- 9 sept. 2023
- 2 min de lecture
Sandra, Samuel et Daniel, leur fils malvoyant de onze ans, vivent loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte.
Ce film procès mobilise l’instance judiciaire pour, croit-on au début, instruire un dossier, celui d’un couple qui part en vrille et pour amener le spectateur à juger… mais juger quoi ou qui?
Le film est largement tenu par Sandra Huller, qui incarne magnifiquement son personnage, lequel va se retrouver sous le feu d’un avocat général et d’une cour un peu surfaits pour les besoins du sujet du film.
Car la question n’est pas moins de savoir si elle a tué son mari ou pas, que de comprendre la mécanique d’un couple qui va mal, très mal, et d’essayer de saisir pourquoi.
Avec un peu de recul, ce film soumet, selon votre serviteur, au judgement des spectateurs le caractère d’une femme. Une scène de ménage assez dure résume tout ce qui l’oppose à un mari en dépression et rongé par la culpabilité depuis l’accident de leur fils ayant provoqué sa cécité.
Sans ce recul sur les intentions de Justine Triet, on peut reprocher à ce film d’en
faire un peu trop : le fils a perdu la vue, ils vivent au milieu de nulle part, le couple bat de l’aile et la femme est inculpée…
Mon regret est que Justine Triet ait eu recours à cet artefact pour sa démonstration. J’ai trouvé sa mise en scène un peu grotesque parfois, et trouée de quelques erreurs (ou alors elles sont voulues), comme le partage de l’enregistrement d’une scène de ménage au tribunal que Justine Triet a mis en image... mais pourquoi, puisque la cour ne dispose que la bande son? De même, Daniel évoque à la barre un souvenir que Justine Triet met aussi en images… mais pourquoi? Il s’agit d’un souvenir.
Le procès prend les spectateurs, à coups de déclaration fort peu pénales de l’avocat général, attirant même les faveurs de la salle qui rit à ses bons mots, à force d’entendre la juge prendre trop ostensiblement le parti de l’accusation, à force de voir un procès ne pas porter sur le sujet pénal, à un piège : cette cour instruit en réalité à charge le dossier d’une femme qui a le tort d’être libre et forte, carrée et intelligente, ambitieuse et rationnelle. Le film pousse le spectateur à qualifier Sandra, s’il accompagne cette salle de tribunal décidément fort disciplinée, d’égoïste, de froide et cynique. Donc de coupable.
Si un homme s’était retrouvé dans les mêmes conditions à ce banc des accusés, pas sûr que le film prenne la même tournure: condamne-t’on un homme fort, ambitieux, libre et intelligent? A la réflexion, c’est le spectateur qui risque d’être pris en flagrant délit de biais dans son jugement.
Après tout, qu’importe la technique cinématographique, l’important est qu’il nous révèle combien la société est toujours traversée d’un biais envers les femmes. A ce titre, « Anatomie d’une Chute » est un excellent film féministe.



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