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Madame Butterfly : le Nô de Robert Wilson

  • francoishada
  • 7 oct. 2024
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 oct. 2024

L’histoire est simple et simplement atroce. Une enfant japonaise est séduite par un marin américain qui l’épouse avant de l'abandonner. La nouvelle de John Luther Long, parue en 1898, est tirée du roman de Pierre Loti (Madame Chrysanthème, 1888) narrant le mariage éphémère d'un officier de la Marine française avec une jeune Japonaise de Nagasaki. 

Madame Butterfly, mis en scène par Robert Wilson et interprété à l’Opéra Bastille, est une série de tableaux dépouillés invitant le spectateur à marier le visuel aux chants. Chaque scène est une planche fixe, dans le cadre duquel les interprètes se meuvent lentement, très lentement, puis soudain se figent, après avoir accompli le geste parfait ou chanté la note parfaite. Les interprètes ont la peau blanchie à l’oshiroï, poudre de riz que les acteurs de Kabuki comme les geishas appliquent sur leur visage et leur nuque.  Pour qui est allé voir le théâtre traditionnel japonais, Robert Wilson fait de l’opéra de Puccini, qui récite ici ses gammes japonisantes, à l’excès parfois, une pièce de Nô, certains diront même du Butho, la danse de la douleur apparue après les cataclysmes atomiques. Le prénom du fils de l’héroïne signifie d’ailleurs « douleur ». Ces unions n'étaient, dit-on, pas rares dans ce Japon qui vient de s’ouvrir à l’Occident, par la force des canonnières américaines. Moyennant finances et le consentement des parents, ces enfants permettaient à des Occidentaux de consommer un mariage exotique, le temps d'un séjour. Le Japon est alors déchiré entre ses traditions asiatiques et sa conversion à l’industrie d’un Occident qui se sert sans vergogne.  « L’oncle Bonze » aura beau protester en plein mariage contre le mépris des traditions japonaises, avant de renier la petite qui a renoncé à tout et s’abandonne entièrement à son époux, rien n’y fait: dans un décor traditionnel pour elle, folklorique pour lui, il l’épouse puis s’en va. Elle l’attend trois années, pour comprendre, quand il revient avec son épouse américaine, qu’il l’a oubliée. Elle se donne alors la mort plutôt que de redevenir une geisha.Certains diront que le thème de cette tragédie japonaise est celui de la femme abandonnée. Mais il s’agit bien d’une enfant. Et que l'on ne vienne pas expliquer qu’avoir quinze ans relevait à cette époque de coutumes différentes. Mais alors pourquoi avoir donné un si jeune âge à notre héroïne? D'autres liront dans ce texte la spoliation de l’archipel par les puissances du monde. Certes. A moins qu'il ne s'agisse de la tragédie de ces femmes enfants dans un pays se hissant dans le nouveau monde, quitte à oublier les plus faibles, voire de les vendre. 


 
 
 

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